Le Front Populaire
Mythe et Réalités
Par André CALVES
I. Leçons de l’Histoire.
On
peut déduire par logique et mathématiques que telle tactique est juste ou
fausse.
Mais
on peut le déduire aussi si l’on sait que dans le passé la tactique en question
a produit tel ou tel résultat.
L’histoire
est donc utile et nécessaire. Un militant ouvrier sérieux l’étudie. Si Lénine
et d’autres n’avaient pas minutieusement recherché les causes de l’échec de la
Commune de Paris, il est probable que la Révolution d’Octobre n’aurait pu avoir
lieu.
Réciproquement,
on est en droit de dire qu’un parti ouvrier dans lequel les dirigeants ne
poussent pas les militants à étudier est un parti qui se prépare volontairement
aux futures défaites. Nous devons fuir comme la peste un chimiste qui nous
invite à mélanger trente-six produits dangereux tout en fermant les livres
écrits sur la question.
II. Sur quels points de l’actualité l’histoire
de 1936 est elle utile aujourd’hui ?
Elle
nous permet d’avoir une bonne boussole quand il faut choisir une attitude face
aux problèmes d’un gouvernement de demain. Avant de lire tel ou tel projet de
programme, méditons sur 1936.
Elle
nous est très utile quand nous entendons dire « telle grève est politique,
telle grève est purement revendicative ».
Elle
nous aide à comprendre ce qu’est vraiment un État.
Enfin,
elle nous oblige à nous souvenir que toute action accomplie dans un lieu
quelconque a des répercussions partout. Si, hélas, l’internationalisme ouvrier
est aujourd’hui plus faible qu’à cette époque, l’internationalisme des
bourgeois est beaucoup plus fort.
III. Le fond du décor
En
1936, le monde n’est pas sorti de la crise qui a suivi la première guerre
mondiale. En Allemagne et en Italie, le prolétariat a été écrasé et la
bourgeoisie se prépare pour un nouveau partage du monde.
En
Angleterre et en France, la bourgeoisie repue se paie le luxe de jouer le
pacifisme et la démocratie. Ce sont naturellement des vertus qu’elle oublie
dans ses empires coloniaux.
Ceci
dit, il y a crise permanente en France. Les chômeurs sont nombreux, les soupes
populaires existent dans tous les quartiers de Paris et d’ailleurs. Pour le
plus petit emploi, deux cents personnes font la queue dès l’aube.
IV. Les partis et les hommes
La
grande bourgeoisie ne peut gouverner sans s’appuyer sur le parti qui influence
la très nombreuse petite bourgeoisie française de l’époque. Des millions de
petites gens, boutiquiers, paysans, retraités, votent pour le parti radical,
mais les dirigeants de ce parti mènent toujours la politique qui convient le
mieux aux grands possédants.
Ce
parti fut celui de la bourgeoisie « laïque » de 1905, le parti de la «
séparation de l’Église et de l’État ». Il a influencé bien des éléments
populaires par ses attaques contre la réaction monarchique en France. Mais il
fut en même temps le parti des guerres coloniales.
Depuis
1918, il est aussi le parti des compromis pourris et des scandales
retentissants. On dit que tes « radis » sont rouges dehors et blancs dedans. En
tout cas, ce parti est dans tous les gouvernements : dans celui du « Bloc National
» et de la chambre « bleu horizon » qui dénonce le communisme comme la peste,
puis dans le «bloc des gauches » avec les socialistes. Après dix scandales et
cent répressions anti-ouvrières, nous allons bientôt le retrouver... dans le
gouvernement de Front Populaire.
Ses
leaders principaux sont Herriot, belle figure de républicain « ami du peuple »
à Lyon, serviteur du capital partout de Dunkerque à Tamanrasset ; Daladier qui
sera le Topaze et le fripouillard de 1930, le fusilleur de 1934, puis... le
camarade de 1936 avant de redevenir l’emprisonneur d’ouvriers de 1939.
Les partis de la droite avancée
Depuis
la crise et l’exemple allemand, les partis de droite se « fascisent ».
Depuis
longtemps, une majorité de jeunes étudiants (et à l’époque, seuls les fils de
la bourgeoisie sont étudiants) sert de troupes de choc aux Camelots du Roi et
aux jeunesses patriotes de Taittinger. A présent, la Ligue des Croix de Feu de
De la Rocque grandit .
Ces
fascistes correspondent à l’état de la bourgeoisie française, c’est à dire qu’ils
sont bien loin d’avoir l’étoffe des nazis. Ils s’en défendent d’ailleurs.
«
Contre Hitler et Staline
Groupons-nous
et demain
La
grande paix latine
Sera
le genre humain ».
Mais
voici que naissent des groupes fascistes plus dangereux. En particulier celui
de Doriot qui, d’origine plus populaire, peut mieux tromper le peuple et
employer un langage susceptible d’être écouté par des hommes lassés d’un long
chômage.
Les partis de gauche :
Le
parti socialiste SFIO est le plus fort numériquement. Il influence les plus
grands secteurs ouvriers. Il peut réunir des centaines de milliers de Parisiens
pour un défilé. Il bénéficie du vieux prestige des Guesde et des Jaurès. Il
chante encore très bien l’Internationale et ses Jeunesses Socialistes (exclues
d’ailleurs périodiquement) sont le fer de lance de la gauche contre les bandes
fascistes.
La
direction SFIO chante toutefois autre chose que l’Internationale dans les
coulisses des congrès. N’oublions pas qu’elle est d’une deuxième Internationale
dont un des leaders, Ebert, a dit « Je hais la révolution comme le péché ». La
SFIO veut le socialisme, mais sa direction n’est pas pressée. L’étude théorique
ne l’étouffe pas et si elle se réfère à Guesde, il ne s’agit pas du marxiste d’avant
1914, mais du ministre de 19,15. Certes, elle pourfend la bourgeoisie et le
militarisme, mais le leader SFIO Blum n’a pas caché que son parti « a toujours
voté contre les crédits de guerre ... sauf quand son vote aurait pu les empêcher
de passer ». En 1934, devant la tentative fasciste de coup d’État, lorsque
Thorez dira au Parlement que la rue doit être aux ouvriers, Blum comptera
beaucoup sur le « républicanisme » de la police.
Le
parti socialiste SFIO est le parti de la voie parlementaire pour aller au
socialisme. Il s’est bien gardé de se demander pourquoi le parti frère en
Allemagne ne fit jamais le socialisme alors qu’il fut officiellement au pouvoir
pendant des années. Mais comment un tel parti tirerait-il des leçons alors que son
leader Blum écrivait à la veille de la prise du pouvoir par Hitler que ce
dernier était fini parce que l’armée « républicaine » et la police
social-démocrate barreraient le chemin aux fascistes.
Comment
un tel parti peut-il influencer encore tant d’ouvriers ? D’abord il influence
surtout ceux qui ont un travail assez stable et pour lesquels il a pu obtenir
quelques miettes d’un capitalisme repu. Ensuite, le niveau politique est très
très bas. Les ouvriers suivent la SFIO, mais ne participent pas beaucoup à la
vie de cette organisation qui est animée par un fort groupe de notables « de
gauche ». Certains d’entre eux ont pu être ouvriers ... mais jadis.
Et voici pour la petite histoire, qui
parfois éclaire bien la grande :
En août 1935, le président du conseil
Laval, revenu depuis peu de Moscou, crut possible de décider une mesure
maladroite que les bourgeois d’aujourd’hui ont réalisée plus habilement. Il
décréta une diminution des salaires de 10 %. Ce fut l’explosion dans les
arsenaux de l’État. Les ouvriers de Brest se battirent une semaine entière
contre les gardes mobiles et l’infanterie coloniale. Plusieurs ouvriers furent
tués, de nombreux furent blessés. Un des ouvriers tués avait arraché le drapeau
tricolore du mur de la préfecture maritime et planté le drapeau rouge. Les
autorités bourgeoises durent faire donner la marine. Et les vieux ouvriers
brestois se souviennent des camions de marins armés et casqués qui se
présentaient devant l’arsenal. Les marins entonnaient l’Internationale. Les
camions faisaient demi-tour en direction de la prison de Pontaniou. Pas un
matelot ne tira sur les ouvriers.
La SFIO de Brest, extrêmement
majoritaire, était débordée par les Anars et par le PC. Le dirigeant du PC à
Brest, Vallière, fit l’impossible pour que la direction nationale du Parti
étende le mouvement très vite à tous les arsenaux et ailleurs. Devant les
atermoiements, il rua dans les brancards jusqu’à en devenir gênant. Peu de
temps après, il fut exclu ... pour trésorerie irrégulière. Vallière était aussi
dans le conseil d’administration de la Maison du Peuple. La direction du PCF
essaya de le vider de ce poste pour que la démonstration soit parfaite. Mais
les anars, qui avaient la majorité, répondirent : « Étalez votre dossier
clairement. Si Vallière est malhonnête, il sera exclu. Mais si votre dossier
est foireux, nous en tirerons les conséquences publiquement ». La direction du
PCF n’insista pas. La triste vérité oblige à dire que Vallière ne comprit pas,
pendant de longues années, le rapport qui pouvait exister entre la campagne d’infamie
dirigée contre lui et la visite de Monsieur Laval à Moscou.
Léon Blum, arrêté sous le régime de
Vichy, fut jugé par la cour de Riom et accusé d’avoir mal préparé l’État
français à la guerre qui venait. Il fut accusé d’avoir, sinon voulu la
révolution, du moins d’avoir été faible devant les masses révolutionnaires.
Blum se défendit en « bon gérant » de la société capitaliste et expliqua aux
juges de Riom que la situation était difficile en juin 1936. Il lui avait été
pratiquement impossible de faire intervenir les gardes mobiles contre les
occupations d’usines. Il précisa que le patronat s’était bien gardé de lui
demander une telle intervention et il conclut que sans lui, Blum, il y aurait
eu la révolution en
1936.
On peut trouver un précédent à cette
ignoble attitude : en 1925, un tribunal bourgeois allemand demanda à Ebert
(président de la République allemande) des comptes sur son attitude en 1918. Ebert
tint un langage identique à celui de Blum n’avait plus chanté l’Internationale
devant les ouvriers, s’il n’avait pas salué le prolétariat révolté, s’il n’avait
pas cherché à prendre la direction du mouvement, il lut aurait été impossible
de neutraliser les Spartakistes (les gauchistes d’alors) et de casser le
mouvement révolutionnaire pour le plus grand bien de la bourgeoisie.
La SFIO a cru bon de publier en brochure
élogieuse le discours de défense de Blum à Riom... C’est tout dire sur le parti
socialiste d’hier et on l’avait échappée belle ! Rappelons que François
Billoux, dirigeant du PCF, détenu sous Vichy, écrivit une lettre très
respectueuse à Pétain en lui demandant la permission de témoigner à Riom ...
contre Blum!. Mais, attention, pas contre le Blum contre-révolutionnaire, mais
contre le Blum fauteur de guerre !!! Par malchance — ou chance pour Billoux —,
la cour bourgeoise de Riom (à la grande colère de Déat et, Laval) voulait juger
Blum non comme belliciste, mais comme mauvais organisateur de la guerre. Et
Billoux ne fut pas admis à Riom.
Le parti communiste
Il
a suivi l’évolution de l’URSS. En route il a perdu beaucoup de troupes et ne
dispose que de 14 députés en 1935. La période ultra-gauche de Staline, l’époque
où la révolution était imminente tous les huit jours a découragé les gars qui
en avaient marre de se faire licencier ou de figurer sur le carnet rouge des
patrons pour faits de grève (grèves suivies par un ouvrier sur cent). Mais
cette époque a permis de sélectionner une équipe de jeunes fidèles à toute
épreuve à Moscou, peu aptes à réfléchir sur l’évolution de l’URSS, mais
capables d’aller en prison ou de descendre dans la rue
D’ailleurs,
jusqu’en 1935, bien des choses mystérieuses peuvent changer a Moscou, la ligne
ne change pas en France : « Feu sur le curé » (et la ligue des travailleurs
sans dieu dépend du PCF), « Feu sur le militarisme » (et la chronique
des gueules de vaches figure en bonne place chaque jour dans L’Humanité),
« Feu sur le flic de la bourgeoisie » (et les heurts avec morts sont
fréquents entre flics et militants), « Feu sur le socialiste SFIO, le social
fasciste ». Dans les années 30, un responsable des JC ira jusqu’à écrire : «
Tardieu c’est le fascisme, Blum ce serait le super fascisme ». Jusqu’en
1935, le PCF défilera en scandant : « Des soviets partout ! ».
Pendant
toute cette période, les quelques rares militants qui s’efforcent de comprendre
ce qui se passe en URSS, ce que signifie le combat de l’opposition de gauche
soviétique, sont tout à fait isolés. Apparemment, en France, rien n’a changé
dans la ligne du PCF. Tous les mois, sinon toutes les semaines, un nouveau
danger semble menacer l’URSS. Moscou dénonce les projets d’agression de
Chamberlain et de tous les ministres de France et d’Angleterre successivement.
Cela contribua à souder les militants. On sait aujourd’hui qu’il fallait autre
chose que les démocraties bourgeoises occidentales pour représenter un réel
danger à l’égard de l’URSS. Mais on sait aussi que la collectivisation forcée
de 1930 qui mit l’URSS à deux doigts de la catastrophe contribuait à rendre l’appareil
stalinien craintif à l’égard du moindre danger extérieur.
Si
rien ne semble avoir changé dans la ligne du PCF qui attire toujours les
meilleurs révolutionnaires, par contre la direction n’est plus qu’un appareil
entièrement soumis à Staline. On le verra en 1935 virer à 180 degrés et bafouer
cyniquement tout ce qu’il disait être sa bible.
Avec
quelques années de retard, Staline réalise que la prise du pouvoir par Hitler
représente un grand danger pour l’URSS. Il cherche donc à conclure des accords
avec les bourgeois occidentaux. En 1935, Pierre Laval se rend à Moscou et signe
le pacte franco-soviétique. Aujourd’hui encore on cherche vainement en quoi ce
pacte engagea la bourgeoisie française et gêna réellement Hitler. Par contre,
ce qui fut très concret c’est le ralliement des PC occidentaux à la « défense
nationale » en régime capitaliste.
Staline
avait déclaré reconnaître à la France « la nécessité d’avoir une armée à la
hauteur de sa sécurité ». Inutile de dire qu’il avait fait cette sensationnelle
déclaration sans attendre un quelconque congrès de l’Internationale Communiste.
Mais après tout, Staline agissait en tant que chef d’État. C’est ce qu’essaya
de soutenir Vaillant-Couturier qui, très gêné, dans « L’Humanité », prétendit
que la ligne de l’Internationale ne changerait pas.
En
fait dans les mois qui suivirent tout l’ultra gauchisme fut effacé. La
chronique des gueules de vaches disparut de l’« Humanité ». On quitta l’erreur
sectaire ... pour plonger dans l’erreur opportuniste et il ne fut plus question
que « de faire passer le souffle républicain » dans l’armée. L’armée bourgeoise
? Non, l’armée républicaine.
On
tendit la main aux catholiques et l’association des travailleurs sans dieu fut
supprimée. Le Secours Rouge devint le Secours Populaire.
Les
SFIO cessèrent d’être les sociaux fascistes. Fort bien ; et les bourgeois
radicaux devinrent des « démocrates sincères ». Les vieux militants
accueillirent tout cela comme une « tactique », mais les nouveaux adhérents
portèrent très sérieusement l’emblème des Versaillais.
Thorez
avait assez astucieusement spéculé sur la faible politisation du prolétariat
français. Depuis la 1ère guerre mondiale, les courants chauvins ou pacifistes
intégraux se partageaient la classe ouvrière. Les courants libertaires avaient
de l’audience et la presse pacifiste : « La Patrie Humaine », « Plus
jamais ça », etc., était très diffusée. Devant le nazisme montant, le pacifisme
bêlant se trouvait démuni de ressources. Il ne suffisait plus de crier « plus
jamais ça ». Faute d’une organisation révolutionnaire conséquente, bien des
pacifistes entonnèrent la Marseillaise comme les Jouhaux de 1914.
Tout
de même, il faut encore se demander comment la direction du PCF put qualifier
de « blanc » ce qu’elle appelait « noir » la veille, sans que tout le parti
réagisse. A première vue, on aurait tendance à désespérer de l’intelligence
humaine. Aussi, creusons un peu le problème et cherchons des explications :
Le
prestige immense et tout frais de la Révolution d’Octobre agit toujours. Les
informations arrivent avec un décalage. Les travailleurs français découvrent
les « Marins de Cronstadt » et « Tchapaiev » ... alors qu’en URSS on en est
loin déjà.
La
haine persistante que la presse française voue à l’URSS et au PCF reste très
vivace.
En
dépit de la théorie du « social fascisme », les militants du PCF n’ont jamais
considéré les militants SFIO comme des camelots du roi. Ils se réjouissent
maintenant de l’unité d’action et ont tendance à penser que si elle ne s’est
pas réalisée plus tôt ce fut seulement la faute de la direction SFIO.
Cette
conclusion politique leur permettra demain de considérer l’alliance avec
Daladier comme une alliance avec la petite bourgeoisie. Enfin, n’oublions pas
que, si nombre de militants n’avalent pas tout cela, refusent d’entonner en
choeur la Marseillaise, et cessent de militer, beaucoup de nouveaux éléments
adhèrent au PCF devant la montée nazie. Bien des « sociaux patriotes »,
inorganisés jusqu’alors, vont vers un PCF qui déploie d’un seul coup plus de
drapeaux tricolores que la SFIO n’en a jamais hissés.
Les
vieux militants voient le parti faire un bond numérique. Ils se souviennent que
le parti stagnait tant qu’il avait une politique ultra-gauche qu’ils croyaient
léniniste. Ils estiment que le bond en avant vaut bien quelques concessions.
Ils reviennent au parti ou restent sympathisants. Que faire d’autre ?
A
la veille des évènements de 1936, la « stabilité » française est en train de
disparaître. La droite glisse doucement vers l’extrême droite et le parti de La
Rocque se flatte de centaines de milliers d’adhérents avec des relations très
solides dans l’armée et la marine. Les bourgeois craignent la volonté d’expansion
de l’Allemagne nazie, mais admirent en même temps l’homme qui a écrasé les
rouges. Beaucoup rêvent d’un Hitler français.
A
gauche, glissement également. La crise économique sans issue, le danger de
dictature, poussent beaucoup d’anciens socialisants vers le PCF et beaucoup de
petits bourgeois vers la SFIO.
Le
grand perdant est le parti radical compromis dans tous les scandales du régime.
Aux
élections de mai 1936, le PCF passe de 14 députés à 72, le PS se renforce au
détriment des radicaux qui perdent des centaines de milliers d’électeurs.
Le
congrès radical a lieu. La tendance de droite reproche à Daladier d’être entré
dans le Front Populaire. Daladier réplique que c’est au contraire sa tactique
qui a sauvé le parti radical.
«
Demandez-vous où sont passés ces petits retraités et employés qui nous ont
quittés ... Nous avons perdu 350 000 voix mais, sans le Front Populaire, nous
en aurions perdu bien davantage. »
Dans
un langage plus simple, Daladier aurait dit : « Nous étions le parti du
scandale Oustrie et du scandale Stavisky. Nous étions le parti des fusilleurs
de 1934, le parti de la « république des assassins d’ouvriers » (comme l’écrivait
Vaillant-Couturier en 1934), le parti de l’immobilisme qui n’a pratiquement
rien fait pour garantir la situation de son corps électoral. Les petits
bourgeois ont tendance à nous quitter et glisser à gauche. C’est normal. Or voici
que Blum et Thorez me redonnent une virginité en me•promenant, bras dessus,
bras dessous, de la Bastille à la Nation. En moi, le « Topaze » de 1934, ils
font applaudir le représentant légitime des classes moyennes. Il est évident
que nombre de petits bourgeois qui prêtent l’oreille à Blum ou à Thorez vont se
dire que ce Daladier vaut peut-être mieux que ce qu’on était en train de
croire. C’est pourquoi’ je conçue que l’alliance proposée par les rouges est
littéralement une bouée de sauvetage pour notre vieux parti bourgeois. »
Donc
les élections de 1936 traduisent par un glissement vers les deux extrêmes. Avec
l’appui radical, Blum est prêt à former un gouvernement. Le PCF l’appuiera mais
n’y rentrera pas. Pourquoi ? Peut-être est-elle encore trop fraîche la phrase
de Vaillant-Couturier : « Cette république bourgeoise ne change pas de visage
selon que le ministère est plus ou moins teinté de rouge ».Il existe un
programme pour le futur gouvernement, un programme très timide élaboré quelques
mois plus tôt. Dans ce programme, pas question de fortes augmentations de
salaires, ni de congés payés. Même pas question de nationalisations. Et ceci
mérite réflexion : jadis Jouhaux et la CGT, puis le parti socialiste, avaient
avancé un programme de nationalisations. Le PC et la CGTU montrèrent l’utopie
et l’hypocrisie d’un tel projet qui prétendait constituer un pas vers le
socialisme, sans révolution sociale, sans dictature du prolétariat. Le PC
montra que certaines nationalisations peuvent très bien convenir aux capitalistes
dans la mesure où l’État demeure bourgeois. Ainsi raisonnaient encore, et à
juste titre, le PC et la CGT en 1934. Mais, au début de 1936, le projet SFIO
fut rejeté... pour un motif diamétralement opposé : « Ne pas effrayer nos
amis radicaux ».
Ainsi
donc, le futur gouvernement de Front Populaire n’avait, dans ses bagages, rien
qui pût inquiéter la bourgeoisie. Même les idées de Blum concernant la
diminution du temps de travail ne partaient pas de considérations sur les
longues semaines de labeur des ouvriers, mais simplement comme un moyen de
diminuer le chômage et de relancer l’économie. Au même moment, aux USA, Roosevelt
méditait de semblables projets dans son New Deal, sans être pour autant membre
de la 2ème Internationale. Enfin, faut-il dire que même ces timides
perspectives n’auraient jamais vu le jour si, à Paris comme à Detroit, la
classe ouvrière ne s’était levée.
Comme
de coutume, le mouvement surprit les directions syndicales. D’une usine à l’autre,
il fit tache d’huile, et pour la première fois à grande échelle les ouvriers
occupèrent leurs lieux de travail.
Devant
ce déferlement d’occupations d’usines, le gouvernement en place (qui avait
encore officiellement un mois de vie) s’empressa de céder la place et il fut
demandé à Blum de former immédiatement le nouveau gouvernement. L’attitude du
gouvernement. Blum est très instructive et d’une actualité éternelle. Blum ne
souhaitait pas du tout ce mouvement ouvrier. Depuis ses déclarations au procès
de Riom, nul ne peut en douter. Cependant, Blum ne pouvait s’opposer de front
au mouvement : c’eut été se couper totalement de la masse des travailleurs et
provoquer même une crise violente dans la SFIO. Blum bénéficiait d’un crédit
usurpé. Il se trouvait à la tête d’un mouvement auquel il était foncièrement
hostile, tout comme les dirigeants sociaux-démocrates allemands en 1918. Que
fit Blum ? La part du feu. Il commença par saluer les ouvriers en grève ... en
insistant bien sûr sur le caractère purement revendicatif de leur lutte, sur le
calme et la dignité.
La
part du feu étant faite, il demanda aux millions d’autres salariés encore dans
l’expectative de ... « faire confiance aux camarades ministres ».
Quelques
jours plus tard, son ministre des Finances, Vincent Auriol, précise : « Le
Front Populaire, ce n’est pas l’anarchie, c’est l’ordre ». Et, tant du côté
gouvernemental que du côté patronal, on précipite les négociations afin de
fixer les limites d’un mouvement qui cherchait sa voie.
Il
cherchait sa voie. Que voulait-il : des réformes ou la révolution ? Question
stupide, piège posé depuis toujours par les réactionnaires et les chefs
ouvriers dégénérés. Nous savons que le peuple qui prit la Bastille était à ce
moment encore royaliste à 90 %
Nous
savons que la masse du peuple russe n’avait en 1917 qu’une très vague idée du
socialisme.
Nous
savons que les masses se soulèvent contre une situation qu’elles jugent
intolérable. Quant à savoir si cette situation peut être liquidée sans changer
le système économique ou si, au contraire, il faut le renverser, la grande
masse ne peut le décider spontanément. Elle se réfère aux partis de classe qu’elle
s’est donnée à travers des dizaines d’années. Ces partis sont la conscience du
mouvement ouvrier. Si cette conscience est défaillante, le mouvement retombe jusqu’au
jour où un nouveau parti est créé.
Une
chose est certaine : en dépit des menteurs, le système bourgeois français ne
pouvait accepter que contraint et forcé par crainte du pire la plupart des
concessions qu’il dut lâcher. Celui qui en doute doit nous expliquer pourquoi
aujourd’hui, 36 ans après, les directions syndicales ne réclament même pas les
40 heures « tout de suite ». Leur attitude présente prouve qu’elles réalisaient
très bien l’impossibilité de défendre durablement les revendications de 1936 dans
les cadres du système capitaliste. Elles mentirent donc aux ouvriers en
soulignant le caractère « purement revendicatif » du mouvement et en laissant
croire que les « camarades ministres » pourraient faire faire l’économie d’une
nouvelle Révolution d’Octobre. Mais il ne s’agit pas seulement des désirs des
ouvriers, il faut parler aussi de leurs actes. Ces actes étaient
révolutionnaires. La propriété privée des capitalistes était violée par les
occupants des usines. La presse bourgeoise le clamait bien fort. Blum en
convint à Riom et expliqua que devant une telle situation il fallait faire le
gros dos et ôter de la tète des ouvriers la conscience du fait qu’ils étaient
déjà dans l’illégalité bourgeoise. Le grand patronat en fut conscient en 1936 :
il visitait très poliment les usines occupées, accompagné par les piquets de
grève, et demandait aux travailleurs de « continuer ainsi jusqu’aux
négociations, dans le calme ».
Les accords Matignon.
La
grève s’étendait toujours. Début juin, on signalait même que 2000 ouvriers
agricoles de Tremblay-lès-Gonesse se joignaient au mouvement. II fallait
traiter vite, et ce serait cher. Contrairement à notre époque, il n’y avait
aucune méfiance dans la classe ouvrière à l’égard des directions syndicales. Il
y avait seulement méconnaissance. Les grandes masses qui s’éveillaient à la vie
politique connaissaient les chefs politiques et syndicaux à travers les actions
combatives d’avant-hier et à travers aussi la grande presse d’« information »
qui rabâchait chaque jour que Thorez et Cie n’avaient pas du tout renoncé à la
révolution rouge. Ce crédit gênait fort les directions ouvrières. Il était déjà
difficile d’expliquer les sinuosités de la politique aux militants. Il était
encore plus difficile de l’expliquer dans de larges secteurs ouvriers où ne se
trouvait aucun militant .A un patron qui s’étonnera de voir qu’en tel ou tel
endroit les syndicalistes ne calment pas leurs camarades, Frachon répondra : «
Là, il n’y a plus de syndicalistes, vous les avez chassés depuis des années ».
Et c’est Frachon d’ailleurs qui rapporte la triste réplique du patron, baissant
la tête et disant « nous avons eu tort ».
Il
faudra lâcher beaucoup pour désamorcer le mouvement non seulement les 40
heures, les congés payés, les droits syndicaux, mais, certains cas, comme celui
des employés des grands magasins, des augmentations de salaires de 100 %. 100 %
! Si l’on avait dit, un mois auparavant, aux petites employées qu’elles
pourraient recevoir une telle augmentation, elles auraient crié « au fou ! ».
Et c’est vrai : avec 1000 ouvriers en grève, 20 % seulement d’augmentation
eussent été une folie utopique. Avec 100 000 grévistes, 50 % d’augmentation
pouvaient être un rêve caressé. Mais avec des millions d’hommes occupant les
usines, 100 % étaient le prix payé pour éviter le règlement de compte
définitif.
Au
total, ce qui sera lâché n’était au départ prévu par personne, tant dans le
camp ouvrier que patronal. Personne ne peut humainement dire que les ouvriers
se sont battus pour cela précisément. Les acquis élevés de juin 1936 sont le
produit d’un compromis entre directions qui regardent, les unes avec crainte,
les autres avec perplexité, un gigantesque mouvement imprévu. Au porte-parole
patronal qui dit « on n’a jamais vu de si importantes revendications », Frachon
répond « avez-vous jamais vu un tel mouvement ?
Cette
phrase de Frachon est plus éloquente qu’il ne le soupçonnait sans doute.
Les
accords sont signés. Pourtant le mouvement continue, en dépit des appels des «
camarades ministres ».
Une
large avant-garde ouvrière ne regarde plus la SFIO mais le PCF. C’est donc lui
qui jettera son poids dans la balance. Thorez déclare : « Il faut savoir
terminer une grève », et parle des « revendications essentielles » qui ont été
satisfaites et de la nécessité de ne pas fournir d’aliments aux « campagnes d’affolement
de la réaction ».
Il
va de soi que tant que la réaction est capable de « campagnes d’affolement », c’est
que la « revendication essentielle » des prolétaires n’a pas été satisfaite.
Le
mouvement reflue. Les travailleurs ont conscience d’une grande victoire. Mais
une avant-garde entrevoit qu’une si grande victoire qui laisse intact le
pouvoir capitaliste risque de se transformer en boomerang. Si on ne va pas
assez loin aujourd’hui, on reculera beaucoup demain. A ceux-là, on explique qu’il
ne s’agit que d’une « pause ». , Le mot deviendra tristement célèbre.
A
d’autres, comme Ferrat, membre du Comité Central du PCF, qui ose critiquer
Thorez, on répond par une campagne d’insultes dans « L’Humanité » : « Ferrat ne
fut-il pas membre du groupe Barbé-Célor ? ». Pas plus que Raymond Guyot, mais
qu’importe ! Et qui est chargé de salir dans « L’Huma » le « gauchiste » Ferrat
? Quel est le bon policier stalinien qui accomplit cette besogne? Marcel Gitton
bien entendu.[1]
II
reste une toute petite poignée de militants qui ne tombent dans aucun panneau.
Contre ceux-là, la police agira directement en perquisitionnant dans le local
trotskyste le lendemain du jour où Blum vient de donner des gages et de
rassurer le Sénat réactionnaire. Le « socialiste » dit à l’Assemblée
réactionnaire : « Tout rentre dans l’ordre », et pour l’un comme pour l’autre,
l’« ordre » a le même sens. Éloquent !
Le
mouvement de 1936 est mort. On l’ignore dans le pays. Pour la première fois,
des centaines de milliers d’ouvriers partent en vacances. Les Auberges de la
Jeunesse reçoivent une impulsion énorme. On chante l’Internationale sur toutes
les routes de France.
Pour
la première fois sans doute, bien des patrons ne partent pas en vacances et mijotent
la revanche. Après tout, le système capitaliste sort intact de la crise.
Maintenant, tout est affaire d’évasion de capitaux; de dévaluations, d’impératifs
économiques. Tout est affaire de rouages astucieux dont seuls les capitalistes
tiennent le moteur. On va expliquer toutes les entorses aux lois sociales au
nom de .raisons objectives. Et puis, il reste le danger allemand : il faut des
chars et des avions. Qui ne s’inclinerait devant cela ? Surtout pas le PCF
(jusqu’au pacte germano-soviétique).
Mais
pourquoi trimer des heures supplémentaires à fabriquer des chars qui seront
remis à un État-major qui ... demain les utilisera par petits paquets dispersés
face aux colonnes de panzers ? Là question ne sera pas posée. Il suffit de
faire passer le souffle’ républicain dans l’armée. Pourquoi des heures
supplémentaires pour extraire la bauxite qui sera vendue à Mussolini, lequel la
revendra à Goering ... car la grande aviation allemande dépend encore de la
bauxite française ? La question ne sera pas posée.
Et
les armes ne servent pas seulement à la ligne bleue des Vosges, mais aussi à
maintenir un empire colonial. Le problème des millions d’esclaves coloniaux ne
rentrait pas dans le catalogue des « revendications essentielles » de Thorez.
Les révolutionnaires algériens avec l’Étoile Nord-africaine, qui était
organisation sympathisante de la 3ème Internationale, vont en tirer quelques
leçons et se replier sur le nationalisme.
Autre
« revendication non essentielle », l’aide à la révolution espagnole.
Les choses ont leur logique. S’arrêter en route en juin 1936 signifie ce qui
suit, c’est à dire la non intervention en Espagne.
Les
wagons de munitions que les militants de Catalogne envoient à travers la France
aux camarades du Pays Basque sont bloqués par le gouvernement du Front
Populaire La direction du PCF peut bien dire qu’elle n’a pas voulu cela. Ses,
militants peuvent scander « des avions, des canons pour l’Espagne », à quoi les
JS répondent « des avions soviétiques », le résultat est là : non intervention.
Et
quelle non intervention ! Dans ses mémoires, l’amiral allemand Reader retrace l’aide
apportée à Franco par Hitler. Une flottille allemande navigue vers l’Espagne.
Un navire perd une hélice dans l’Atlantique et va se faire réparer à Brest.
Bien sur, ce bâtiment va tirer sur les prolétaires, mais avant tout, courtoisie
des gens de mer. Reader se félicite de la rapidité avec laquelle l’arsenal de
Brest répare son navire. Il se félicite aussi de l’esprit de franche
camaraderie avec lequel ses officiers furent reçus par les militaires français
de la marine. Oui, oui, ceux pour lesquels il faut faire des heures
supplémentaires !
Et
tout cela se déroule sous un gouvernement « de gauche ». Contrairement à l’appareil
d’État bourgeois ennemi qui possède des hommes d’arme en, permanence, le
mouvement populaire n’est fort que dans les seuls moments où les masses stoppent
le travail et descendent dans la rue. Brisez le mouvement, faites reprendre le
chemin morne de l’usine avant que tout soit réglé ... et au nom des revendications
essentielles. Que se passe-t-il ? Le vrai pouvoir revient aux « permanents » de
la rue, aux policiers et aux militaires de la bourgeoisie.
Moins
d’un an après les défilés où, toute honte bue, la SFIO et le PCF criaient :
«La police avec nous », ces mêmes policiers tuent à Clichy plusieurs
travailleurs qui manifestaient contre un meeting fasciste. Et, attention, le
ministre de l’Intérieur est le « socialiste » Max Dormoy....
La
suite de l’histoire est toujours instructive, mais ça n’est plus celle de juin
1936. C’est celle d’un Parlement (oui, celui de 1936) délivré de la peur du
mouvement ouvrier, et qui brisera le 30 novembre 1938 une grève générale
désespérée et annoncée assez longtemps à l’avance par les Jouhaux et Cie jour
que Daladier puisse lancer ses décrets de réquisition. C’est l’histoire des
travailleurs espagnols internés à coups de crosses et de matraques dans les
camps de Gurs et Argelès. C’est l’histoire d’une bourgeoisie utilisant l’émotion
provoquée par le pacte germano-soviétique pour briser le mouvement ouvrier et
emprisonner des centaines de militants dont beaucoup seront livrés aux nazis
après la débâcle.
Et
tout cela s’est déroulé sans nouvelles élections, avec le même Parlement.
Certes,
les hommes ont changé. Blum, appuyé par Thorez, a dû céder la place, revenir,
repartir. On a vu défiler Reynaud, Daladier et Cie. Mais, répétons-le cent
fois : tous, des premiers aux derniers, ont demandé aux travailleurs de
faire confiance à ce Parlement. Tous ces hommes furent liés à ce Parlement et
lorsqu’ils furent éjectés, pas un ne songea à faire appel aux masses. Leur
fidélité allait au parlementarisme bourgeois, même si certains devaient en être
relativement victimes.
Depuis
ces événements, une légende est née : « Blum a « donné » les congés
payés et les 40 heures », « le Front Populaire a « donné »
les congés payés et les 40 heures ». Toute une propagande (qui ne peut que
plaire à la bourgeoisie) tend à expliquer aux travailleurs « qu’on leur a
donné ». Il est important pour les bourgeois, pour les réformistes, pour
les staliniens, de faire croire aux ouvriers qu’une chose est importante, non
pas leur force, non pas leur dynamisme, mais le reflet déformé de cette force
et de ce dynamisme dans le miroir truqué des élections bourgeoises.
Il
faut enlever de la tête des travailleurs que c’est leur action directe qui a
payé, car celui qui lutte n’a plus besoin de Dieu, pas plus de César, et remet
à leur place modeste les tribuns.
Tous
ces bourgeois, réformistes, staliniens, foulent au pied le marxisme et la
vérité historique en laissant sournoisement entendre que l’histoire serait
celle des rois et des princes. Bien sûr, on passe un coup de pommade à un
peuple dont on se garde de détailler les actes. Bien sûr, les rois et les
princes sont devenus les grands leaders et les comités électoraux. Mais il s’agit
toujours de l’histoire à la manière des écrivains royalistes.
Ces
quelques lignes ont tenté de remettre l’histoire sur ses pieds. Il faut
cependant éviter un danger : celui qui croirait déduire que l’action
directe et spontanée, sans un parti, peut suffire, celui-là se tromperait.
Comme
on dit en mathématiques par l’absurde, les partis qui ont trahi ont montré leur
importance puisqu’ils ont contribué à briser le mouvement de lutte. Il manquait
en 1936 un parti révolutionnaire.
Ce
petit texte sera utile s’il donne envie au lecteur de rechercher maintenant les
bouquins qui ont analysé dans le détail cette période d’histoire. D’abord les
écrits de Trotsky : « Où va la France ? », dont plusieurs pages
semblent être rédigées aujourd’hui. Puis « Juin 36 » de Gibelin et
Danos et le bouquin de Daniel Guérin. Aussi, bien sûr, tout ce que les
directions du PCF et de la SFIO ont pu faire publier; mais c’est maigre et cela
se comprend.
A la lecture de ce texte, on pourrait
penser que le tournant de la direction de l’internationale Communiste fut pris
en 10 minutes. La vérité est plus complexe : Le Front Commun (PC-PS)
précéda d’un an le Front Populaire avec les radicaux et on put croire pendant
un laps de temps que les directions du mouvement ouvrier suivraient le bon
chemin.
Le Front Commun n’était hélas, pour
Staline qu’une étape vers l’accord avec la bourgeoisie française. Et les
prémisses de cet accord étaient déjà contenues dans ce Front Commun. Blum, moins
discret que Thorez, n’a pas caché qu’il ne s’était engagé dans le Front commun
qu’à partir du moment où les dirigeants du PCF avaient accepté de renoncer au
défaitisme révolutionnaire en cas de guerre. Cela dès le début de 1935.