Ce texte a été envoyé
au Canard enchaîné le 19-03-1978
Devant la catastrophe qui touche le Finistère, il n'y a pas que le mazout qui noie le poisson.
On met en cause les pavillons de complaisance, la route suivie par les pétroliers, le volume de ces navires. A quoi d'autres répondent que les avaries arrivent partout et qu'avec des bateaux plus petits il y aurait trente fois plus de passages.
Tout a commencé jeudi 16 mars vers 5h. « Le Télégramme de Brest » écrit :
« Un sauvetage de navire,
particulièrement lorsqu'il s'agit d'une importante unité, constitue une
opération financière d’envergure : les sommes mises en jeu sont telles
qu'on ne souhaite pas voir survenir la concurrence.
Alors on demeure silencieux sur les ondes,
on n'alerte pas les autorités et on s'efforce de mener à bien, seul, son
affaire. »
« Le Télégramme » ment avec un rare culot ! Notons tout de suite que ce journal officieux de la préfecture maritime a conscience du scandale que constitue l'absence de la marine de l'État sur les lieux du drame pendant 7 heures. D'où la phrase « On n'alerte pas les autorités ». Ainsi, ce pauvre amiral qui est capable de repérer le plus petit chalutier espagnol pêchant à 2O-milles de l' Île de Sein, ignore totalement qu'un mastodonte est en difficultés prés d'Ouessant. Mensonge !
Le remorqueur allemand n'a pas été averti par pigeon voyageur mais par radio.
La marine de l'État a forcément enregistré les messages et vu le remorqueur quittant sa base du port de commerce. La marine de l'État ne bouge pas. Elle se mettra en branle 7 heures après, quand-le 3ème câble casse et que le pétrolier s'échoue.
7 heures sans action devant une perspective de catastrophe à moins de 50 km du port militaire. Pourquoi ? Parce que le remorquage des gros navires en péril est une entreprise privée. Une société nationalisée ne doit pas gêner l'entreprise privée.
- Cinq minutes avant la catastrophe : Respect à l'initiative privée.
- Cinq minutes après la catastrophe : pécheurs au chômage ; Contribuables à vos poches ; Soldats du contingent au mazout.
Et l'État s'éveille alors .On inquiète le capitaine du remorqueur. Ce pelé, ce galeux n'a pas fait appel à la marine nationale. Sans cet appel, la pauvre était impuissante, paralysée. Mais le capitaine aussi était paralysé par le respect de la priorité à l'entreprise privée. Donc, la punition ne sera pas féroce. Mais en attendant, on a jeté un coupable au peuple.
On pourrait mettre en prison le Préfet maritime. Ce serait plaisant. Il nous expliquerait pourquoi il n'avait pas le droit d'agir. On finirait par remonter au président de la République. Alors, attention, n'inquiétons pas le Préfet.
Sans même mettre en question le système capitaliste, notre « gauche » officielle pourrait suggérer la création d'une très puissante flotte de remorqueurs .Pourquoi seule l'entreprise de mort serait elle nationalisée ? Pourquoi négligerait-on la notion de rentabilité quand il s'agit seulement des engins de mort ? Pourquoi les arsenaux de Brest, Lorient, etc ne pourraient ils construire ces remorqueurs ?
Alors, que dit la gauche ? Il y a deux semaines, le journal du PCF de l'arsenal de Brest réclamait avec vigueur la construction... d'un navire porte avions et du 6éme sous-marin atomique !
Il n'y a pas que la côte bretonne qui a besoin d'être dépolluée.