En guise de préface

 

Il existe une vaste littérature sur l’armistice de 1940. Elle juge le bien ou le mal de l’action de Pétain; mais toute lui suppose l’initiative de l’action. Or, il est bien évident que Hitler avait le dernier mot et que ce qui fut fait, il le voulait. Il existe sûrement un document relatant le débat qui eut lieu à ce moment au quartier général d’Hitler. Qui l’a détruit ? Pas forcément les nazis allemands. J’ai donc essayé de l’imaginer…

                                               André CALVES

 


 

Archives secrètes du IIIème Reich

 

(Pièce en un acte de André Calvès 15-10-94)

 

            A l’heure où s’ouvre en France une importante polémique sur le rôle de Pétain, il est intéressant d’éclairer cette période grâce aux archives retrouvées dans les armoires de la Stasi en ex Allemagne de l’Est.

 

 

 

Quartier Général du Führer le ?? Juin 1940

 

Général X :

            --Mon Führer ! L’armée française est en complète déroute. Quelques minuscules combats sur la Loire. Rien ne s’oppose à ce que nos troupes atteignent la frontière espagnole et la Méditerranée. Et ce, pratiquement l’arme à la bretelle ! Dans le sud, une sorte de gouvernement français demande la paix. Est-il vraiment utile de discuter avec des fantômes ?

 

A.Hitler :

            --Bien entendu ! Nous allons lui accorder, non la paix, mais un Armistice ! Nous allons même lui laisser un certain territoire qu’il pourra gérer, sous notre surveillance, naturellement.

 

Gén.X :

            --Mon Führer ! Pourquoi laisser à l’ennemi un territoire que nous pouvons prendre sans combat ?

 

Maréchal Keitel :

            --D’évidence, nos troupes peuvent arriver jusqu’à la mer, mais elles ne peuvent empêcher la très puissante flotte française de gagner l’Afrique du nord en emportant cent mille soldats. Il est peut-être possible de franchir le Pas de Calais, mais la Méditerranée, c’est une « autre paire de manches »*, avec des marins français et anglais sur le chemin.

 

Gén X

            --Quelle garantie avons-nous qu’un gouvernement de zone sud pourra empêcher la flotte française d’appareiller pour l’Algérie, et donc l’Afrique du Nord de continuer la guerre aux cotés de Churchill ?

 

A.Hitler

            --Nous n’avons aucune garantie absolue ! Cela existe-t-il en politique ?

            Quand nous avons revendiqué les Sudètes, nous n’étions pas tellement certains du comportement des Français et des Anglais. Notre armée n’était pas suffisamment au point pour que nous puissions réclamer toute la Tchécoslovaquie. C’est pourquoi nous exigions un tout petit territoire peuplé de Germains. Mais sur ce terrain, se trouvaient les fortifications qui protégeaient Prague.

            Dans le cas de la Pologne, nous demandions simplement le couloir de Dantzig. Le monde ne manqua pas de bonnes âmes pour estimer qu’il ne fallait pas faire la guerre pour si peu. Si ces imbéciles de Varsovie ne s’étaient pas raidis, nous aurions avalé la Pologne par petits morceaux ! Dans tous les cas, il était temps que l’armée s’entraîne à tir réel !

            Aujourd'hui, toujours dans le même ordre d’idées, nous allons laisser, au contraire, à l’ennemi, un petit bout de terrain qui, nous l’espérons, neutralisera la moitié de l’Afrique.

 

            C'est vrai ! Nous n’avons pas de garantie totale. Nous sommes seulement certains que si nous fonçons sur Toulon, la flotte française sera déjà partie.

 

            Dans l’autre cas, nous pouvons spéculer sur le sentiment anti anglais qui a toujours prévalu dans une bonne partie de la caste militaire française. L’homme idéal pour notre opération, c’est un vieux maréchal ayant assez de prestige pour influencer amiraux et généraux. Si Pétain n’existait pas, nous devrions l’inventer !

 

Gén X :

            --Mon Fûhrer ! Ne pourrions nous pas compter sur le Duce pour neutraliser l’Afrique du Nord française ?

 

A.Hitler :

            --Quelle candeur ! En ce moment, ce sont les Britanniques qui grignotent l’Empire italien d’Ethiopie. Si la France reste en guerre en Afrique du Nord, c’est elle qui va avaler la Libye et faire la jonction avec les Anglais d’Egypte ! Et nous ne pourrons, hélas, rien faire pour aider les Italiens. Face aux flottes française et anglaise, aucun bateau de l’Axe ne pourra traverser la Méditerranée !

            A mes yeux, la neutralité de ce qui reste de France - et bien sur, l’Afrique du Nord en fait partie - est bien plus importante que l’amitié italienne. C’est pourquoi nous ferons en sorte d’éviter de faire perdre la face aux amiraux français et nous demanderons au Duce de modérer ses cris en ce qui concerne la Tunisie, Nice et la Corse !

 

 

Mar.Keitel :

            --Mon Führer! L’amour-propre des généraux français concerne-t-il aussi l’Alsace et la Lorraine ?

 

 

A.Hitler :

            --C’est autre chose. Pétain gémira un petit peu. Mais, après tout, c’est nous qui avons gagné la guerre, et non Mussolini ! Et puis, Napoléon n’est pas né à Strasbourg !

 

Goebbels:

            --Mon Führer! Il est certain qu’il existe en France un fort contingent d’éléments sains, ennemis depuis toujours des francs-maçons, des rouges et des juifs. Tous se rangeront derrière Pétain et l’aideront à rédiger son programme.

 

Gén.X :

            --Ils ne nous aimeront toujours pas !

 

Goebbels :

            --Peu importe ! L’essentiel est qu’on leur donne à dévorer ceux qu’ils aiment encore moins que nous !

            Songez un seul instant à un gouvernement français en Afrique du Nord qui lancerait une campagne de désobéissance en France. Il serait naturellement inspiré par tous ces antifascistes et juifs allemands qui n’auraient pas manqué d’embarquer avec la flotte française. Nous aurions le plus grand mal à compter sur des policiers terrorisés par les menaces d’Alger ! Au contraire, avec un gouvernement de zone sud, la police française va se charger de mater tous ces anglophiles et nous servira sur un plateau toute cette racaille rouge allemande et espagnole ! La France, pour notre armée, sera une colonie de vacances !

 

Gén.X :

            --Ça nous changera de la Pologne !

 

A.Hitler :

            --Toute cette opération risque de capoter si nous n’affichons pas le plus grand respect pour l’illustre Maréchal de France. Acceptons toutes ses demandes en ce qui concerne les rectifications de la ligne de démarcation; étant entendu que nous contrôlerons toute la façade atlantique jusqu' à l’Espagne. L’essentiel est que la France entière pense que c'est Pétain qui arrache quasiment cette zone "libre» ! Nous aurons le droit de rire après, mais pas pendant les négociations !

 

Goebbels :

            --L' idéal serait que Churchill, dans sa fureur, coule quelques navires français !

 

A.Hitler :

            --On peut toujours rêver...

 

 



* En français dans le document original